« La Gibecière à Mots », fondée en 2012 par Stéphane le Mat, est une édition numérique qui vous propose des classiques de la littérature française et étrangère, « élevés » au domaine public, en ebooks.

« La Gibecière à Mots » remet sur le devant de la scène, des ouvrages que le temps a jaunis et recouverts d'une couche de poussière ; oubliés et abandonnés, « La Gibecière à Mots » vous offre la possibilité de leur donner une nouvelle place dans le présent.

« La Gibecière à Mots » fait également perdurer dans le temps des classiques plus connus.


mercredi 16 décembre 2020

Louis Lambert (Honoré de Balzac)

 


Honoré de Balzac
(1799-1850) 


"Louis Lambert naquit, en 1797, à Montoire, petite ville du Vendômois, où son père exploitait une tannerie de médiocre importance et comptait faire de lui son successeur ; mais les dispositions qu’il manifesta prématurément pour l’étude modifièrent l’arrêt paternel. D’ailleurs le tanneur et sa femme chérissaient Louis comme on chérit un fils unique et ne le contrariaient en rien. L’Ancien et le Nouveau Testament étaient tombés entre les mains de Louis à l’âge de cinq ans ; et ce livre, où sont contenus tant de livres, avait décidé de sa destinée. Cette enfantine imagination comprit-elle déjà la mystérieuse profondeur des Écritures, pouvait-elle déjà suivre l’Esprit-Saint dans son vol à travers les mondes, s’éprit-elle seulement des romanesques attraits qui abondent en ces poèmes tout orientaux ; ou, dans sa première innocence, cette âme sympathisa-t-elle avec le sublime religieux que des mains divines ont épanché dans ce livre ! Pour quelques lecteurs, notre récit résoudra ces questions. Un fait résulta de cette première lecture de la Bible : Louis allait par tout Montoire, y quêtant des livres qu’il obtenait à la faveur de ces séductions dont le secret n’appartient qu’aux enfants, et auxquelles personne ne sait résister. En se livrant à ces études, dont le cours n’était dirigé par personne, il atteignit sa dixième année." 


Le narrateur décrit sa rencontre avec Louis Lambert au collège des Oratiens de Vendôme. Louis Lambert est un surdoué, adepte du philosophe mystique Swedenborg. Qui pourrait le comprendre ? 

Roman court.



ISBN : 9782374637440

1,99 €

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La résurrection de M. Corme (René Pujol)


René Pujol
(1887-1942) 

"Lorsque j’eus poussé la porte du bar, je fus soudain très ennuyé. Il y avait là beaucoup de monde, beaucoup de jolies femmes, beaucoup de jeunes gens élégants, et j’eus la pénible impression de ne pas être assez bien vêtu pour prendre place parmi eux sans une véritable honte. J’étais propre, mais la doublure de mon veston demandait grâce depuis de longues semaines, mon pantalon avait des goitres aux genoux et ma casquette était de fort mauvaise coupe. Quant à ma cravate, mieux valait n’en pas parler. 
Je me sentis si gêné que j’eus envie de m’en aller. Par bonheur, j’aperçus tout de suite mon cousin qui m’attendait. Il m’appela d’un grand geste. Je n’étais pas en retard ; toutefois, je remarquai qu’il avait pourtant déjà bu trois verres. Il était donc là depuis longtemps. 
– Bonsoir, Jacques... 
– Bonsoir, Charles... 
Nous échangeâmes une simple et rapide poignée de main, comme des gens que la vie réunit souvent. Je voulus me jucher sur un tabouret, mais mon cousin m’arrêta : 
– Mettons-nous plutôt à une table, nous serons mieux pour causer. 
Il choisit un guéridon relativement isolé et nous nous assîmes face à face. Nous ne commençâmes à parler qu’après avoir demandé selon la formule rituelle : « Deux martinis bien secs... » au garçon obséquieux et méprisant pour mes manchettes effrangées que je cachais pourtant avec soin.
Charles hésita quelques secondes avant de dire : 
– Je te remercie d’être venu..." 

Est-il raisonnable d'endosser l'identité d'un autre, même si c'est celle de son cousin et sur sa propre demande ? Jacques Corme ressemble à son cousin Charles Corme. Celui-ci lui propose de prendre sa place dans sa propriété de campagne ; il ne donne pas les raisons exactes de cette singulière proposition... Jacques sent qu'il va au devant de dangers mais accepte...


La tulipe noire (Alexandre Dumas)


Alexandre
Dumas (1802-1870)  

"Le 20 août 1672, la ville de la Haye, si vivante, si blanche, si coquette que l’on dirait que tous les jours sont des dimanches, la ville de la Haye, avec son parc ombreux, avec ses grands arbres inclinés sur ses maisons gothiques, avec les larges miroirs de ses canaux dans lesquels se reflètent ses clochers aux coupoles presque orientales, la ville de la Haye, la capitale des sept Provinces-Unies, gonflait toutes ses artères d’un flot noir et rouge de citoyens pressés, haletants, inquiets, lesquels couraient, le couteau à la ceinture, le mousquet sur l’épaule ou le bâton à la main, vers le Buitenhof, formidable prison dont on montre encore aujourd’hui les fenêtres grillées et où, depuis l’accusation d’assassinat portée contre lui par le chirurgien Tyckelaer, languissait Corneille de Witt, frère de l’ex-grand pensionnaire de Hollande.
Si l’histoire de ce temps, et surtout de cette année au milieu de laquelle nous commençons notre récit, n’était liée d’une façon indissoluble aux deux noms que nous venons de citer, les quelques lignes d’explication que nous allons donner pourraient paraître un hors-d’œuvre ; mais nous prévenons tout d’abord le lecteur, ce vieil ami, à qui nous promettons toujours du plaisir à notre première page, et auquel nous tenons parole tant bien que mal dans les pages suivantes ; mais nous prévenons, disons-nous, notre lecteur que cette explication est aussi indispensable à la clarté de notre histoire qu’à l’intelligence du grand événement politique dans lequel cette histoire s’encadre. 
Corneille ou Cornélius de Witt, ruward de Pulten, c’est-à-dire inspecteur des digues de ce pays, ex-bourgmestre de Dordrecht, sa ville natale, et député aux États de Hollande, avait quarante-neuf ans, lorsque le peuple hollandais, fatigué de la république, telle que l’entendait Jean de Witt, grand pensionnaire de Hollande, s’éprit d’un amour violent pour le stathoudérat, que l’édit perpétuel imposé par Jean de Witt aux Provinces-Unies avait à tout jamais aboli en Hollande." 

1672. Le parti orangiste, désirant mettre au pouvoir Guillaume de Nassau, complote contre les frères de Witt, Corneille et Jean, et soulève le peuple contre eux. Pendant ce temps, Cornelius van Baerle, filleul de Corneille, ne vit que pour une chose : créer une tulipe noire pour laquelle la Société Horticole de Harlem a promis une récompense. Mais c'est sans compter sur son voisin, Isaac Boxtel, prêt à tout pour posséder la tulipe noire et surtout la récompense... Cornelius est arrêté pour haute trahison, jugé et condamné...


Le mariage de mademoiselle Gimel dactylographe (René Bazin)


René Bazin
(1853-1932) 

"– Pour un joli jour, c’est un joli jour, mademoiselle Évelyne. C’est comme votre nom. En avez-vous eu de l’esprit, de choisir un nom pareil ! 
– Dites ça à maman : vous lui ferez plaisir. 
– Je ne la connais pas. Mais je ne manquerai pas l’occasion, si madame Gimel vient déjeuner chez moi. Évelyne ! On voit tout de suite la personne : blanche, frileuse, des yeux bleus, de la distinction, des cheveux de quoi rembourrer un matelas, et fins, et du blond de Paris, justement, couleur de noisette de l’année... 
– Madame Mauléon, je demande l’addition, je suis pressée ! 
– Oui, oui, je comprends, je suis trop familière. Avec vous, il n’y a pas moyen de s’y tromper ! Vos cils parlent malgré vous : ils se rapprochent, ils frémissent quand vous êtes fâchée ; ils s’étalent pour dire merci... 
La grande jeune fille, debout à côté du bureau de la crémière, ne put s’empêcher de rire. 
– C’est vrai, dit-elle, mes camarades m’appellent quelquefois « mademoiselle aux yeux plissés ».
– Ah ! la jolie poupée vivante que vous faites ! Et sage, avec cela ! Dites, mademoiselle Évelyne, vous m’accorderez bien deux minutes ; j’ai à vous... 
La crémière s’interrompit : 
– Mais enfin, Louise, donnez donc un carafon au 4. Monsieur attend depuis cinq minutes ! 
En parlant, madame Mauléon s’était penchée, pour désigner le client du 4, et le tablier de linon à bretelles, qu’elle portait, se sépara du corsage et fit poche. Elle aimait le blanc, madame Mauléon." 

Mademoiselle Gimel est dactylographe ; c'est une jeune fille sage et jolie. Elle est remarquée par un lieutenant, Louis Morand. Les deux jeunes gens se plaisent... Un obstacle pourrait-il empêcher un mariage ? 
Suivie de 4 autres nouvelles : 
"Le petit cinq" - "Le testament du vieux Chogne" - "Aux petites soeurs" - "Le Raphaël de M. Prunelier".


samedi 5 décembre 2020

Lettres d'un innocent (Alfred Dreyfus)


Alfred Dreyfus
(1859-1935) 

"Mardi, 5 décembre 1894. 
Ma chère Lucie, 
Enfin je puis t’écrire un mot, on vient de me signifier ma mise en jugement pour le 19 de ce mois. On me refuse le droit de te voir. 
Je ne veux pas te décrire tout ce que j’ai souffert, il n’y a pas au monde de termes assez saisissants pour cela. 
Te rappelles-tu quand je te disais combien nous étions heureux ? Tout nous souriait dans la vie. Puis tout à coup un coup de foudre épouvantable, dont mon cerveau est encore ébranlé. Moi, accusé du crime le plus monstrueux qu’un soldat puisse commettre ! Encore aujourd’hui je me crois le jouet d’un cauchemar épouvantable. 
Mais j’espère en Dieu et en la justice, la vérité finira bien par se faire jour. Ma conscience est calme et tranquille, elle ne me reproche rien. J’ai toujours fait mon devoir, jamais je n’ai fléchi la tête. J’ai été accablé, atterré dans ma prison sombre, en tête à tête avec mon cerveau ; j’ai eu des moments de folie farouche, j’ai même divagué, mais ma conscience veillait. Elle me disait : « Haut la tête et regarde le monde en face ! Fort de ta conscience, marche droit et relève-toi ! C’est une épreuve épouvantable, mais il faut la subir. » 
Je ne t’écris pas plus longuement, car je veux que cette lettre parte ce soir. 
Écris-moi longuement, écris-moi tout ce que font les nôtres. 
Je t’embrasse mille fois comme je t’aime, comme je t’adore, ma Lucie chérie. 
Mille baisers aux enfants. Je n’ose pas t’en parler plus longuement, les pleurs me viennent aux yeux en pensant à eux. 
Écris-moi vite, 
ALFRED. 
Toutes mes affections à toute la famille. Dis leur bien que je suis aujourd’hui ce que j’étais hier, n’ayant qu’un souci, c’est de faire mon devoir. 
M. le Commissaire du gouvernement m’a prévenu que ce serait Me Démange qui se chargerait de ma défense. Je pense donc le voir demain. Écris-moi à la prison ; tes lettres passeront, comme les miennes, par M. le Commissaire du Gouvernement." 

Lettres de prisons et du bagne à son épouse Lucie. 
Alfred Dreyfus, capitaine dans l'armée française, fut accusé et condamné pour espionnage. Une affaire qui allait durer 12 ans et diviser la France.